Si vous avez déjà été confronté à une situation où vous deviez choisir entre deux options, chacune avec ses propres avantages et inconvénients, vous avez probablement rencontré un dilemme. Mais que signifie réellement ce terme et quelle est son origine ? Plongeons-nous dans le monde fascinant des dilemmes pour le découvrir.
Les origines étymologiques du terme
Le terme « dilemme » trouve ses racines dans la langue grecque antique, plus précisément dans le mot « dilemma ». Lorsque nous décomposons ce terme, nous observons que le préfixe « di- » signifie littéralement « deux » ou « double », tandis que « lemma » se traduit par « prémisse », « proposition » ou même « thèse ». Ainsi, combinées, ces deux parties forment une expression qui signifie « double proposition » ou « deux thèses ».
En remontant dans l’histoire, nous constatons que ce mot n’était pas simplement utilisé pour évoquer un choix entre deux options. En réalité, dans le domaine de la logique, « dilemme » faisait référence à une forme d’argumentation très spécifique. Cet argument était construit de manière à présenter deux propositions qui, bien que contradictoires entre elles, forçaient la personne à choisir l’une des deux, mettant ainsi en évidence la complexité et parfois la subtilité des choix philosophiques et logiques bien au-delà d’une question de chance par exemple.
Une définition simple du dilemme
Un dilemme peut être perçu comme un carrefour de décision où une personne se trouve prise entre deux options ou chemins distincts. Chacun de ces chemins offre ses propres avantages, tout en présentant des inconvénients, rendant ainsi le choix complexe et délicat. Plus qu’une simple décision, un dilemme plonge l’individu dans une profonde réflexion, car les enjeux sont souvent grands. Ces situations peuvent surgir dans divers contextes, qu’ils soient d’ordre moral (où nos principes sont mis à l’épreuve), philosophique (posant des questions sur notre compréhension de la vie et de l’univers), éthique (concernant nos responsabilités envers les autres) ou même dans des scénarios pratiques et quotidiens de la vie.
Les 3 types de dilemmes
On arrive à classifier trois types de dilemmes dans notre existence, les voici :
Les dilemmes moraux
Les dilemmes moraux mettent en jeu notre sens de ce qui est juste ou injuste, bon ou mauvais. Ils impliquent un choix entre deux actions qui ont toutes deux des conséquences éthiques importantes. L’écrivain britannique G.K. Chesterton a dit un jour: « Le véritable dilemme moral est celui qui se pose entre deux droits. » Un exemple classique est le « dilemme du tramway », où une personne doit choisir entre dévier un tramway pour tuer une personne et sauver cinq autres, ou ne rien faire et laisser le tramway tuer les cinq personnes. Autre illustration : faut-il mentir pour protéger quelqu’un, quitte à trahir sa propre intégrité, ou dire la vérité, sachant que cela peut causer du tort à cette personne?
Les dilemmes pratiques
Ces dilemmes surgissent souvent dans les situations courantes de la vie quotidienne et concernent des choix concrets et pragmatiques. Imaginez être confronté à la décision de poursuivre une carrière passionnante mais instable ou un emploi stable mais ennuyeux. Ou encore, dans le contexte économique actuel, est-il préférable d’économiser pour l’avenir, vu les incertitudes mondiales, ou d’investir dans un bien de grande valeur, comme une maison, qui pourrait potentiellement offrir sécurité et croissance patrimoniale ? Ce type de dilemme nous pousse à peser les avantages immédiats par rapport aux bénéfices à long terme.
Les dilemmes philosophiques
Ces dilemmes touchent aux grandes questions existentielles, aux fondements de nos croyances et de notre compréhension du monde. Les philosophes, de Platon à Sartre, se sont souvent penchés sur de tels dilemmes. Par exemple, le débat sur le libre arbitre contre le déterminisme a traversé les siècles. Si nous croyons au libre arbitre, cela signifie-t-il que nous sommes maîtres de nos destinées? Ou, si nous adhérons au déterminisme, cela implique-t-il que tous nos choix sont prédestinés, influencés par des facteurs extérieurs ou même par notre génétique? De tels dilemmes remettent en question notre perception de la liberté, de la responsabilité et de la nature même de la réalité.
De fait, les dilemmes, qu’ils soient moraux, pratiques ou philosophiques, sont au cœur de la condition humaine, nous poussant constamment à réfléchir, à évaluer et à choisir. Ils façonnent notre compréhension du monde et notre place en son sein.
Dilemme et philosophie
Plusieurs auteurs ont particulièrement évoqué le dilemme dans leurs oeuvres. Voici quelques références intéressantes :
Thomas d’Aquin et sa perspective sur les dilemmes moraux
Le médiéval Thomas d’Aquin, l’un des penseurs les plus influents de l’époque scholastique, a abordé les dilemmes moraux avec une acuité distinctive. Pour lui, un véritable dilemme moral ne peut surgir sans qu’il y ait eu une faute morale antérieure de la part de l’agent concerné. Sa distinction entre le « dilemme secundum quid » et le « dilemme simpliciter » est cruciale pour comprendre son point de vue. Le premier type de dilemme provient d’une conscience mal informée ou d’une erreur dans le processus de prise de décision. Le second, en revanche, représente une situation où la personne est confrontée à un choix sans bonne option. Thomas d’Aquin était convaincu que si une théorie morale reconnaissait la possibilité d’un « dilemme simpliciter », elle serait alors intrinsèquement incorrecte. Son argumentation repose sur la croyance profonde que la moralité, en tant que reflet de la loi divine, ne peut pas conduire à des impasses sans issue.
Kant et l’éthique déontologique
Emmanuel Kant, figure emblématique de la philosophie moderne, est surtout connu pour son approche déontologique de la moralité. Dans cette perspective, ce qui est moral n’est pas nécessairement défini par les résultats ou les conséquences, mais plutôt par l’adéquation de l’action aux principes rationnels universels. Kant soutenait fermement que les principes moraux, étant basés sur la raison, ne peuvent jamais être contradictoires entre eux. Autrement dit, la moralité rationnelle ne permet pas l’existence de normes morales en conflit. Cependant, Kant reconnaissait la complexité de la moralité humaine et acceptait l’idée que bien que les devoirs eux-mêmes ne puissent être en conflit, leur fondement pourrait l’être, comme il le détaille dans sa « Métaphysique des mœurs« .
John Stuart Mill et l’utilitarisme
John Stuart Mill, en revanche, adopte une approche différente de celle de Kant. En tant que principal défenseur de l’utilitarisme, il évalue la moralité des actions en fonction de leurs conséquences, plus précisément en fonction du bonheur ou du bien-être qu’elles génèrent. Pour Mill, les dilemmes moraux ne sont souvent que des illusions. En se basant sur l’utilitarisme, il est possible de dissiper ces dilemmes en évaluant simplement quelle option génère le plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Comme il l’explique dans son ouvrage « Utilitarisme », cette philosophie offre un cadre pour trancher les dilemmes moraux, en les réduisant à une évaluation des conséquences.
Pour conclure ce sujet
Ainsi particulièrement, les dilemmes moraux, ces choix cornéliens qui nous confrontent à des décisions complexes, ont été l’objet de nombreuses réflexions philosophiques à travers les âges. Les perspectives de Thomas d’Aquin, Emmanuel Kant et John Stuart Mill offrent un riche corpus de compréhensions et d’interprétations sur le sujet. D’Aquin, avec sa foi inébranlable dans la structure divine de la moralité, soutenait que tout véritable dilemme moral découlait d’une faute antérieure. Kant, dans sa recherche d’une moralité fondée sur la raison, affirmait que bien que les fondements des devoirs puissent être en tension, les devoirs eux-mêmes ne peuvent être en conflit. Mill, en revanche, voyait dans l’utilitarisme un moyen de résoudre ces dilemmes en évaluant objectivement les conséquences des actions. Ces trois philosophes, malgré leurs approches distinctes, nous rappellent l’importance de naviguer avec discernement dans les eaux parfois troubles de l’éthique. Leurs réflexions nous offrent des outils pour appréhender les dilemmes, non comme des impasses, mais comme des invitations à une réflexion profonde et à une prise de conscience éthique accrue y compris sur des questions plus futiles de la vie parfois.
R.C.