dilemme du prisonnier

Le dilemme du prisonnier est l’un des exemples les plus célèbres en théorie des jeux, une branche des mathématiques qui étudie les interactions stratégiques entre des joueurs dotés de rationalité. Bien qu’il semble simple à première vue, ce dilemme soulève des questions profondes sur la coopération, la confiance et la nature de la rationalité humaine.

Il a été formulé en 1950 par Merrill Flood et Melvin Dresher lorsqu’ils travaillaient au RAND Corporation. Peu de temps après, Albert W. Tucker, un autre mathématicien, lui a donné sa forme « prisonnière » et son nom, rendant l’énoncé du problème plus accessible et mémorable.

Le scénario est conçu pour illustrer un conflit apparent entre intérêt individuel et intérêt collectif, où la rationalité individuelle mène à un résultat sous-optimal pour tous les participants.

Le scénario de base du dilemme du prisonnier

Imaginons deux suspects, appelons-les Alice et Bob, arrêtés pour un crime qu’ils ont commis ensemble. Faute de preuves suffisantes pour les condamner pour le crime principal, la police décide de les séparer et de leur proposer le même marché:

  1. Si Alice et Bob gardent tous deux le silence (c’est-à-dire qu’ils coopèrent entre eux), ils sont tous deux condamnés à une peine légère de 1 an pour un délit mineur ;
  2. Si l’un d’entre eux trahit l’autre en témoignant contre lui, et que l’autre garde le silence, le traître est libéré sans peine tandis que l’autre écope de 3 ans de prison ;
  3. Si tous deux se trahissent mutuellement, ils sont tous deux condamnés à 2 ans de prison.
les scenarios du dilemme du prisonnier
Les scenarios du dilemme du prisonnier

L’enjeu du dilemme du prisonnier

À première vue, il semble que la meilleure option pour les deux suspects soit de garder le silence. Cependant, lorsque chaque prisonnier évalue la situation individuellement, la logique les pousse vers une conclusion différente.

Si Alice pense que Bob va garder le silence, elle a intérêt à le trahir pour être libérée sans peine. Si elle pense que Bob va la trahir, elle a toujours intérêt à le trahir pour obtenir 2 ans au lieu de 3. Bob raisonne de la même manière. Ainsi, bien que la coopération mutuelle semble être la meilleure option, la trahison mutuelle est l’issue la plus probable dans ce scénario, car elle est l’option stratégiquement rationnelle pour chaque joueur pris individuellement.

Les implications plus larges du dilemme du prisonnier

Le dilemme du prisonnier est souvent utilisé pour illustrer les défis de la coopération dans de nombreux domaines, allant de la politique internationale aux négociations commerciales. Il montre comment des individus rationnels peuvent arriver à des résultats sous-optimaux en raison de leurs incertitudes et méfiances mutuelles.

Heureusement, dans de nombreuses situations réelles, les acteurs ont la possibilité de communiquer, de construire la confiance et d’instaurer des mécanismes de réputation ou de punition pour ceux qui trahissent. De plus, des variantes du dilemme du prisonnier, comme le « dilemme du prisonnier itéré », où le jeu est joué à plusieurs reprises, peuvent favoriser la coopération à long terme.

Quelques ouvrages faisant référence au dilemme du prisonnier

L’étude du dilemme du prisonnier a été profondément influencée par plusieurs ouvrages majeurs dans le domaine de la théorie des jeux et de la coopération. L’un des plus fondamentaux est « Theory of Games and Economic Behavior » écrit par John von Neumann et Oskar Morgenstern. Même si cet ouvrage ne se concentre pas spécifiquement sur le dilemme du prisonnier, il établit néanmoins les fondations mathématiques et conceptuelles de la théorie des jeux, servant ainsi de pierre angulaire à la discipline.

Un autre ouvrage majeur est « The Evolution of Cooperation » de Robert Axelrod. Dans cette œuvre, Axelrod se penche sur une variante répétée du dilemme du prisonnier, le dilemme du prisonnier itéré. Il explore les dynamiques de la coopération, en particulier dans des contextes où les participants peuvent sembler agir de manière égoïste. Grâce à des simulations informatiques, Axelrod démontre avec des stratégies comme « Tit-for-Tat » que la coopération peut, dans certaines conditions, être une stratégie optimale sur le long terme :

D’autre part, « Prisoner’s Dilemma: John von Neumann, Game Theory, and the Puzzle of the Bomb » de William Poundstone apporte un éclairage historique sur le sujet. Poundstone se plonge dans les origines du dilemme du prisonnier et établit un lien fascinant avec la période de la guerre froide, soulignant l’importance de ce problème dans le contexte de la dissuasion nucléaire.

Pour ceux qui recherchent une introduction plus succincte à la théorie des jeux, « Game Theory: A Very Short Introduction » par Ken Binmore est un choix idéal. Ce livre offre un aperçu concis mais éclairant de la théorie des jeux, incluant naturellement le dilemme du prisonnier, le tout dans un style accessible et compréhensible.

Enfin, Robert Axelrod, avec son « The Complexity of Cooperation: Agent-Based Models of Competition and Collaboration« , s’aventure encore plus profondément dans les intrications de la coopération et de la compétition. Utilisant des modèles basés sur des agents, Axelrod fournit des insights approfondis sur le dilemme du prisonnier dans diverses conditions, enrichissant ainsi notre compréhension de cette énigme classique.

En conclusion de cet article, le dilemme du prisonnier est plus qu’un simple jeu mathématique (ou lié à la chance d’ailleurs). Il offre une fenêtre sur la complexité des interactions humaines, la nature de la coopération et les défis de la prise de décision rationnelle dans un monde incertain.

R.C.

Publié dans : Blog Divers

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